Théorie

2. Énonciation

Dans le conte, plus que dans tout autre texte narratif, il s’avère important d’étudier les marques de l’énonciation, c’est-à-dire les traces de celui qui émet un énoncé et de celui qui le reçoit. Les conditions particulières dans lesquelles un énoncé est produit (l’espace et le temps) constituent également des marques significatives. (Luc Bouvier, La Chasse-galerie, p. 132 à 134)

Le narrateur est, bien entendu, celui qui raconte l’histoire. Le pronom de narration nous permet de déterminer où et comment il se situe par rapport au récit qu’il rapporte. Il pourra, ou non, être intégré à l’histoire.

Le narrataire est celui à qui est destinée l’histoire, en l’occurrence l’auditoire ou le lecteur.

Dans l’exemple qui suit, le pronom « vous » renvoie au narrataire, alors que le pronom « je » renvoie au narrateur conteur, c’est-à-dire au maître d’école.

Exemple tiré du Fantôme de l’avare :

« Vous connaissez tous, vieillards et jeunes gens, l’histoire que je vais vous raconter. » (p. 93)

Interventions du narrateur

Ce qui caractérise le conte est l’omniprésence du narrateur conteur. On attribue plusieurs fonctions à ses incessantes manifestations.

Fonction de contact

Le narrateur conteur sollicite constamment l’attention du narrataire, le convie à écouter et, en quelque sorte, à participer au récit.

Exemples tirés de La Chasse-Galerie :

« Pour lors je vais vous raconter une rôdeuse d’histoire, dans le fin fil… » (p. 18)

« Oui-dà ! oui. Eh ben j’en ai une histoire et je vas vous la conter, mais à une condition : vous allez nous faire servir un gallon de whisky d’élection… » (p. 41)

Cette insistance sur la fonction phatique du langage provoque une sorte d’échange entre le conteur et celui qui écoute.

On trouve, chez certains conteurs comme Jos Violon, le célèbre personnage conteur de Louis Fréchette, des formulettes (des formules souvent cocasses qui ont la particularité d’être récurrentes).

Exemple de formulette d’ouverture :

« C’était un temps où le temps était dans le temps. La terre était dans le ciel, le ciel était dans la lune. Et la lune dans mon œil. C’est vous dire que c’était il y a longtemps… »


Exemple de formulette de fermeture :

« Et cric, crac, cra ! sacatabi sac-à-tabac ! mon histoire finit d’en par là. »

Fonction d’attestation

Le narrateur conteur invite l’auditoire à croire en l’authenticité des faits rapportés. Ses interventions contribuent à créer un climat de confiance ou à confondre les sceptiques.

Exemples tirés de La Chasse-Galerie :

« Hein ! Qu’est-ce que vous dites de ça ? J’en ai-t-y vu des loups-garous ? » (p. 44)

« C’est absolument comme je te le dis, insista le p’tit Pierriche Desrosiers, j’ai vu moi-même la queue de la bête. » (p. 49)

Fonction idéologique

Le narrateur conteur, par son intervention, peut parfois susciter la réflexion, voire produire un effet moralisateur ou donner une portée sociologique au conte.

Exemple tiré de La Chasse-Galerie :

« Soyez toute attention, et remarquez surtout le châtiment que Dieu réserve à ceux qui, en ce monde, refusent l’hospitalité au voyageur en détresse. » (p. 94)

Ces trois fonctions vous semblent subtiles et complexes ? Ne vous en faites pas. C’est le diable qui est très attaché aux détails ! En fait, vous n’aurez pas, dans vos travaux, à différencier ces fonctions de manière aussi précise. Ces explications visent plutôt à vous faire comprendre la place et l’importance du narrateur (et du narrataire) dans le conte. Vous aurez, en effet, à retracer leur présence dans les exercices et le plan que vous établirez plus loin dans ce module.

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