4. Le plan analogique
Voici un exemple de plan de développement analogique que nous vous proposons d'observer attentivement. Dans le prochain module, vous apprendrez à vous servir du Grimoire, l'outil que Satan met gracieusement à votre disposition ; cet outil vous aidera à réaliser ce type de plan.
Mais en attendant, voici ce dont il faut vous souvenir pour ne pas vous perdre dans les méandres de l'infernal plan analogique.
- Les idées principales correspondent à des subdivisions du point de vue :
— la première idée principale expose les convergences ;
— la deuxième idée principale expose les divergences ;
— la troisième idée principale correspond à un point de vue qui expose l'analogie et qui établit un lien avec le contexte social et/ou le courant littéraire. - Les idées secondaires sont des arguments qui servent à expliquer ou à appuyer les idées principales et le point de vue.
- Les faits et les preuves servent à appuyer l'argument.
- La phrase de transition permet de faire un lien entre deux idées principales.
Convergences
| Idée principale 1 | Des conditions semblables dans les deux contes nous amènent à croire que le passage du réel au surnaturel s'effectue de la même manière. |
| Idée secondaire 1.1 | L'état physiologique des personnages trouble leur perception du réel, favorisant ainsi l'intrusion du fabuleux dans leur esprit. |
| Faits | La consommation d'alcool aussi bien que le sommeil sont des facteurs déterminants. Joe a bu avec ses amis būcherons. Fanfan avoue également avoir un peu bu. Sem, son compagnon, est tellement ivre qu'il s'est endormi. |
| Preuves | « La jamaïque était bonne. [...] J'en avais lampé une douzaine de petits gobelets, pour ma part, et sur les onze heures, je vous l'avoue franchement, la tête me tournait. » « Il me fallut descendre prendre un coup [...], il fallut en prendre un deuxième pour rétablir l'équilibre. » « [...] Sem avait pris un coup de trop [...], mais les deux derniers coups le finirent complètement et il s'endormit comme une marmotte au mouvement de la charrette. » |
| Idée secondaire 1.2 | Les conditions atmosphériques, de même que les données spatio-temporelles, sont réunies pour susciter l'illusion du fantastique. |
| Faits | Le canot s'envole dans la nuit blanche et glaciale. La bête à grand'queue surgit quand Fanfan et Sem se trouvent dans des conditions inquiétantes. |
| Preuves | « Il faisait une nuit superbe et la lune, dans son plein, illuminait le firmament [...]. Il faisait un froid du tonnerre et nos moustaches étaient couvertes de givre [...] » « La tempête éclata dans une fureur terrible. » « La pluie tombait à torrents, le vent sifflait dans les arbres et ce n'est que par la lueur des éclairs que ma pouliche avait l'instinct de me tenir dans le milieu du chemin, car il faisait noir comme dans un four. » |
| Phrase conclusion/transition | L'ivresse, la noirceur, le froid et la pluie contribuent donc à altérer la perception du réel des protagonistes. |
Divergences
| Idée principale 2 | Toutefois, observés d'un peu plus près, les contes divergent, fondamentalement, sur au moins deux aspects. |
| Idée secondaire 2.1 | La thématique du diable ne se manifeste pas de la même façon. |
| Faits | Dans « La Chasse-galerie », les būcherons s'entendent pour conclure un pacte avec le diable et en acceptent les conditions. Dans « La Bête à grand'queue », le diable est concrètement incarné. Le champ lexical utilisé pour qualifier la bête l'identifie au diable. Les épithètes et la comparaison dont Fanfan fait usage la rendent terrifiante. |
| Preuves | « Satan ! roi des enfers, nous te promettons de te livrer nos āmes, si d'ici à six heures nous prononçons le nom de ton maître et du nôtre, le bon Dieu, et nous touchons une croix dans le voyage. À cette condition, tu nous transporteras dans les airs, au lieu où nous voulons aller, et tu nous ramèneras de même au chantier ! » « gueule de possédé », « rugissement infernal », « queue de possédé » « [...] deux grands yeux qui brillaient comme des tisons et, tout en même temps, un éclair me fit voir un animal qui poussa un hurlement de bête-à-sept-têtes en se battant les flancs d'une queue rouge de six pieds de long. » |
| Idée secondaire 2.2 | Le décalage entre le temps de la fiction et le temps de la narration n'est pas du même ordre. |
| Faits | Joe raconte des événements qui se sont produits très loin dans le passé. Fanfan, quant ą lui, raconte des faits survenus quelques jours auparavant. |
| Preuves | « C'était un soir comme celui-ci, la veille du jour de l'an, il y a de cela 34 ou 35 ans. » « Vous vous rappelez la tempête de samedi dernier .» |
| Phrase conclusion/transition | Le décalage de temps plus long pourrait ajouter à la véracité du récit puisque plus les événements sont éloignés dans le temps, moins ils sont vérifiables. |
Analogies
| Idée principale 3 | Malgré quelques différences observées dans ces deux contes, nous pouvons affirmer que Beaugrand respecte les valeurs du XIXe siècle quant à l'avènement du surnaturel. |
| Idée secondaire 3.1 | Ces contes remplissent bien leur fonction qui est de moraliser le peuple en rétablissant, dans la situation finale, l'ordre et l'équilibre perturbés par le phénomène fantastique. |
| Faits | Fanfan réussit à se libérer de la bête, qui disparaît noyée dans les flots, en lui coupant la queue. Joe et ses comparses se réveillent sains et saufs, dans leur lit, le lendemain matin. |
| Preuves | « [...] la charogne finit par disparaître avec le courant. » « Vers les huit heures du matin, je m'éveillai dans mon lit dans la cabane, où nous avaient transportés des būcherons qui nous avaient trouvés sans connaissance, enfoncés jusqu'au cou dans un banc de neige du voisinage. » |
| Idée secondaire 3.2 | En s'impliquant eux-mêmes dans l'action, les narrateurs-conteurs cherchent à valider leurs propos insolites. |
| Fait | Dans les deux cas, nous savons que celui qui raconte est, en fait, le personnage héros de l'intrigue. |
| Preuve | Le pronom de narration utilisé est le « je » dans les deux cas. |
| Phrase conclusion/transition | Ayant vu et vécu eux-mêmes l'aventure, ils peuvent ainsi mieux témoigner du caractère extraordinaire de leur aventure. |
